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Vient de paraître |
PSYCHIATRIE, DROITS DE L’HOMME
ET DEFENSE DES USAGERS
EN EUROPE
Philippe BERNARDET, Thomaïs DOURAKI
et Corinne VAILLANT
Associant leurs compétencesn les trois auteurs de ce livre, parlant d’une seule et même voix, analysent les principaux systèmes législatifs européens concernant l’hospitalisation, le traitement, la vie hors de l’hôpital, le suivi des malades mentaux ou supposés tels, l’organisation générale du soin psychiatrique, dans leurs rapports, souvent complexes avec le traitement de la dangerosité et du maintien de l’ordre public.
Un rappel historique fait le point sur le lent cheminement qui, en deux siècles, mène de l’exclusion du prétendu aliéné, tant de la société que des hôpitaux généraux, à l’accès aux soins et à la dignité du malade mental. Cette évolution déboucha sur une refondation du rapport soignant-soigné visant à faire de l’institution un instrument thérapeutique, avant de conduire, à nouveau, notamment en Italie, sur une tentative de désinstitutionnalisation pour construire une psychiatrie démocratique. Le mouvement de réforme législative en Europe est aussi retracé en rapport avec la variété du mouvement associatif et de ses modalités d’action, depuis les années 60.
Aujourd’hui, avec la construction de l’Europe, se posent avec une plus grande acuité la question du rapport au droit dans l’exercice psychiatrique et, par la suite, celles de la qualité de sujet de droit et de la citoyenneté du malade mental. L’apport de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg apparaît décisif. Elle est d’ailleurs soigneusement analysée, commentée, mais aussi critiquée.
Les questions qui se trouvent au coeur des réformes sont explicitées à la lumière non seulement des enjeux théoriques sous-jacents, mais aussi de la pratique, tant psychiatrique, qu’administrative et judiciaire. Le bilan est ainsi fait des pouvoirs du juge dans son contrôle d’opportunité de la contrainte de soins en Europe, tout comme est analysée la tendance à la judiciarisation du système de contrainte. La question du consentement est abordée à la lumière des jurisprudences helvétiques, italiennes et françaises. Le traitement de la dangerosité est interpellé à partir des législations et jurisprudences allemandes, britanniques, espagnoles, françaises, hollandaises, italiennes, roumaines et suisses. Car c’est ce parti pris, largement comparatif, qui structure l’ensemble de l’ouvrage.
Les auteurs ont ainsi voulu synthétiser les grands débats européens relatifs à la place du droit dans la pratique psychiatrique et dans la formation de l’alliance thérapeutique, sans laquelle il ne saurait y avoir de cure véritable. Mais ils l’ont fait en s’efforçant de donner au chercheur, au praticien, à l’étudiant, au militant comme aux patients et à leurs familles, les moyens d’approfondir leurs recherches ou leurs actions, notamment en livrant les grands instruments internationaux, surtout européens, utilisables et de nombreuses données inédites, issues de la pratique y compris associative, jusque-là peu connues, même dans les milieux spécialisés, sur les droits des personnes, comme sur l’illégalité de certains usages, voire sur l’abus et l’arbitraire.
Ils insistent sur la variété des solutions mises en oeuvre par les Etats membres du Conseil de l’Europe. Ils affirment la nécessité de distinguer clairement les exigences du soin, de la sanction et de la sûreté. Ce qui relève du soin doit ainsi, selon les auteurs, appartenir au médecin et s’intégrer au Code de la santé. Ce qui concerne la sanction renvoie au juge pénal et au Code pénal. Ce qui met en cause la sécurité publique relève, selon eux, de la compétence exclusive du juge civil et doit s’intégrer, au Code civil, comme en Espagne.
Mais, même en ce cas, se pose la question de définir les pouvoirs du juge comme de déterminer celui susceptible d’intervenir pertinemment. Les exigences du soin et l’intérêt exclusif du patient, peuvent s’opposer aux nécessités de la sûreté; et il convient donc de statuer, alors, entre des droits contradictoires. Mais d’autres questions épineuses se posent lorsque la mesure de sûreté est ainsi associée à un soin, comme c’est le cas lors de toute hospitalisation psychiatrique. Le juge peut-il, en ce cas, ordonner légitimement la mesure, comme en Belgique? Peut-il même aller jusqu’à enjoindre au traitement, comme c’est le cas en Italie, comme en certaines matières pénales? Ou bien doit-il se limiter à autoriser ou à refuser une hospitalisation sous contrainte sollicitée par le médecin ou divers tiers, comme c’est le cas en Espagne et aux Pays-Bas?
De même que l’on demande aux médecins de ne pas soustraire un patient à la justice, en se prétendant eux-mêmes juges, ne convient-il pas de demander aux juges de ne pas se substituer aux médecins? De quoi doit donc pouvoir décider le juge? Et quel domaine revient, en l’occurrence, exclusivement au médecin? Plus fondamentalement encore, la prise en charge des patients psychiatriques n’appelle-t-elle que des traitements médicaux, voire des mesures de contrainte de soins? Le juge devrait-il, au contraire, disposer de mesures de contrainte, non médicales, ou d’accompagnement, pour aider une personne en crise, à rompre, par exemple, avec un milieu conflictuel ou un passé trop lourd, que l’intéressé ne parvient pas à gérer seul?
Investis depuis plus de vingt ans dans la défense des droits des patients tant en France qu’au niveau international, les auteurs entendent ainsi concourir, par la conduite d’une réflexion documentée aux sources de la pratique et du débat d’idée, au développement des droits de l’homme dans la construction politique de l’Europe.
Editions érès (Prix)
Etudes, Recherches, Actions en Santé Mentale en Europe
Collection dirigée par Claude LOUZOUN
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